Grèce : la solidarité pour seule arme contre l’austérité

Publié: novembre 24, 2015 dans Articles / Press / Grèce

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par  Anja Vogel

Des professionnels de la santé bénévoles soignent un nouveau-né afghan dans un centre d’accueil pour réfugiés à Athènes © Anja Vogel

Alors que le gouvernement et le parlement grecs ont adopté cette semaine de nouvelles mesures d’austérité en échange d’un nouveau prêt, la solidarité s’organise. Dans les dispensaires sociaux auto-gérés, dans les lieux d’accueil pour réfugiés, des professionnels de la santé, bénévoles pallient l’incapacité de l’État à protéger les près de 3 millions de personnes exclues de la sécurité sociale.

Depuis le début de la crise il y a cinq ans, la Grèce a vu son système d’assurance sociale se désintégrer par la chute brutale des fonds publics.

Dans le domaine de la santé, les moyens et les salaires ont baissé de manière drastique

Ce qui a déjà provoqué la fermeture de nombreux services hospitaliers et une fuite massive de médecins vers l’étranger, alors que le nombre de malades ne cesse d’augmenter.

Les prix de journée des hôpitaux publics et privés sont désormais remboursés par les caisses d’assurances avec des retards de plusieurs mois, autant que les actes des praticiens privés… pour ceux qui sont encore assurés.

Les départs de personnels ne sont pas remplacés 

Les médicaments essentiels comme les vaccins, les traitements anti-cancéreux, les psychotropes et les anti-diabétiques manquent cruellement, entrainant un nombre incalculable de morts prématurées par défaut de soins.

La tuberculose et le sida progressent. Les taux de dépression, de pathologies mentales et de toxicomanies sont en augmentation. De plus en plus de familles démunies n’ont comme dernier recours que de placer leurs malades en hôpitaux psychiatriques, -s’ils y trouvent de la place-, dans près de 50% des cas, contre leur gré.
Dans ce contexte de désintégration sociale et de chômage, les suicides ont connu une hausse considérable de près de 30% entre 2008 et 2011. Les violences intra-familiales explosent.

Face à cette situation humanitaire dramatique, de nombreux professionnels de la santé ont pris les choses en main pour pallier les carences de l’État et aider les plus fragiles. Une cinquantaine de dispensaires et de pharmacies auto-gérés ont vu le jour à travers la Grèce, dont la plupart organisés en réseau.

Des centres d’accueil pour réfugiés sont installés

Par exemple dans les anciens locaux des Jeux olympiques en banlieue d’Athènes. Des médecins généralistes, des pédiatres, des infirmières, des pharmaciens, parfois retraités, y assurent des permanences, bénévolement.

La générosité des Grecs fait le reste

De toutes part les dons matériels affluent : de la nourriture, des vêtements, des couches, des médicaments, redistribués aux près de 3 millions d’exclus de la sécurité sociale, aux réfugiés -pour la plupart syriens ou afghans- qui viennent faire soigner leurs enfants et prendre le nécessaire avant de reprendre la route vers « l’Europe »… vers une vie qu’ils espèrent meilleure.

Selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, plus de 800.000 personnes ont traversé la Méditerranée pour rejoindre l’Europe en 2015, dont la très grande majorité -670.000- est passée par la Grèce et les îles de la mer Égée. 3.500 sont mortes ou portées disparues. Un drame aussi pour les habitants de ces îles, impuissants et traumatisés à la vue des cadavres échoués sur leurs plages.

Pour le seul mois d’octobre, malgré les mauvaises conditions météorologiques, 210.000 personnes sont arrivées en Grèce 

En majorité à Lesbos, principale porte d’entrée des réfugiés en Europe. L’île, débordée, continue en ce mois de novembre d’enregistrer 3.300 arrivées en moyenne par jour.

Cette situation a encouragé le développement d’initiatives solidaires, localement et internationalement, comme celle du collectif Solidarité France Grèce. Dans cet élan, une vingtaine de professionnels de la santé français, membres notamment du Syndicat de la Médecine Générale et de l’Union Syndicale de la Psychiatrie, se sont rendus pour la deuxième fois cette année sur place. Impressionnés par l’efficacité des réseaux d’entraide, qu’ils considèrent comme un modèle reproductible dans toute l’Europe, ils mettent aussi en garde : leur vitalité risque de favoriser un désengagement encore plus important de l’État, dont les effets frapperaient une fois de plus les plus démunis.

ÉCOUTER L’ÉMISSION  disponible jusqu’au 17/08/2018

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commentaires
  1. TAXIDI dit :

    Édifiant et cruellement concret…mais bravo aux réseaux solidaires grecs qui pourraient donner des leçons à L’Europe du nord….qui s’applique à construire des murs pour endiguer les réfugiés!!!

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