Au désarroi sans fin notre réponse c’est la Solidarité

Publié: octobre 9, 2016 dans P/Actualité

source ,  21 Sep 2016, traduction : Manolis Kosadinos

Téléchargez le document en pdf ici,

DEPECHE DU DISPENSAIRE SOCIAL METROPOLITAIN D’ELLINIKO 

 screen-shot-2016-10-09-at-7-56-09-pmNous revenons sur la question de l’accès au Système National de Santé (ΕΣΥ) des patients non assurés, mais également des patients assurés, suite aux constats répétés que des patients sont exclus des prises en charge.

Examinons de manière exhaustive ce qui finalement s’applique aux personnes non assurés, aussi ce qui a récemment changé pour une partie des assurés sociaux(6), en Grèce.

Depuis 2014 (1) les personnes non assurées ont obtenu le droit d’accès aux soins primaires de santé, à l’exception des examens paracliniques, l’accès aussi aux médicaments, sans que soient pour autant éliminés les graves problèmes que nous avions exposés dans une publication (2)  plus ancienne (voir article en grec http://www.mkiellinikou.org/blog/2014/07/31/farmaka-2/). Le nouveau gouvernement a procédé à partir de 2015 à des changements partiels qui dans certains cas ont amélioré la situation, mais dans d’autres l’ont aggravée. Plus concrètement pour les personnes non assurées:

– Le droit d’accès aux examens paracliniques a été accordé, uniquement dans les structures publiques de soins. Mais on observe que les attentes pour avoir des rendez-vous sont longues, notamment dans les hôpitaux publics; alors plusieurs patients reviennent vers nous demander de l’aide. Nous faisons particulièrement référence à des cas urgents, nécessitant dans l’immédiat des examens tels l’IRM, la scintigraphie ou l’écho Doppler numérique, à des situations où l’attente d’un mois metrrait en péril la vie du patient.

– En ce qui concerne l’admission des patients dans les hôpitaux publics, nous constatons une amélioration substantielle ; depuis la nouvelle loi il n’y a que très peu de cas de patients auxquels on réclame – illégalement – de payer. Nous sommes toutefois inquiets que cette amélioration ne soit provisoire puisque les budgets des hôpitaux n’ont pas été augmentés pour faire face à l’afflux accru de patients. Il ne faut pas oublier que le Système National de Santé (ΕΣΥ) sera ainsi appelé à prendre en charge trois millions environ de bénéficiaires potentiels supplémentaires, non assurés. Cela serait-il possible avec des budgets amputés de 50% depuis 2009?

– En ce qui concerne les médicaments nous constatons les faits suivants:

a) Pour la grande majorité des personnes non assurées il reste valable ce qu’il l’était depuis 2014, c’est-à-dire qu’elles doivent payer le même restant à charge que les assurés. Une nouvelle difficulté réside dans les faits qu’il y a toujours 25% de restant à charge du patient et que le remboursement par mes caisses se fait sur la base d’un prix négocié conventionnel et non du prix du marché. Au moment où la société s’appauvrit en rythme accéléré, une encore plus grande partie de la population a du mal à se procurer les médicaments nécessaires.

b) Au sujet des personnes assurées sous le régime de la « Providence » [NdT: accordé à une partie de personnes matériellement démunies] et d’une partie des personnes non assurées, triées selon des critères bien strictes de revenus et de patrimoine(3), il est aujourd’hui dit [par le gouvernement] qu’il y aurait un accès GRATUIT aux médicaments. Ceci NE CORRESPOND PAS À LA RÉALITÉ du fait que, même si le restant à charge du patient est de 0%, il existe une différence entre le prix conventionnel du médicament négocié par la caisse d’assurace et le prix du marché et que cette différence doit être payée par le patient, qu’il soit assuré ou pas. Nous constatons ici un problème majeur puisque les personnes sous le régime de la « Providence » qui pouvaient jusqu’ici se procurer leurs médicaments GRATUITEMENT des hôpitaux publics doivent aujourd’hui payer comptant la différence ci-dessus mentionnée entre le prix conventionnel et le prix du marché, différence s’élevant parfois à de dizaines d’euros. Mais une personne ne disposant pas de ces sommes est ainsi automatiquement exclue du traitement dont elle a besoin. Ce déni de soins est CRIMINEL ; cela doit IMMÉDIATEMENT changer.

-Un accès aux soins primaires de Santé avait été accordé dès 2014 à travers le Réseau National de Santé Publique (PEDY(1) comme que nous l’avons plus haut mentionné. Malheureusement il y a un très gros manque de personnel (1) et, compte tenu que les personnes non assurées ont accès aux structures publiques uniquement, pas aux médecins libéraux conventionnés, on observe de longues files d’attentes pour certaines spécialités. Cette situation va s’aggraver à partir de 2017 à cause du départ probable de plusieurs médecins qui, en application d’un référé de justice (1), travaillent actuellement encore au PEDY. Rappelons-nous que plus de 50% des médecins ont quitté ces Centres en février 2014 suite à la « réforme » d’EOPYY et la mise en place du PEDY, que suite au référé judiciaire certains ont pu y retourner, mais pas encore pour longtemps. Par conséquent l’encadrement médical du PEDY va se détériorer.

-Les citoyens sans numéro AMKA(4) sont totalement exclus des soins et seuls les cas graves de patients peuvent être soignés dans les hôpitaux publics, déjà bien surchargés de travail. Sur ce point-là une solution dans l’immédiat doit être trouvée aussi.

-Nous sommes devenus aussi les destinataires du désarroi d’une catégorie particulièrement sensible de patients, les patients souffrant de maladie psychique qui, à cause du nouveau cadre légal pour la délivrance des médicaments, galèrent d’hôpital en hôpital et se retrouvent pendant des jours sans le traitement nécessaire, avec toutes les conséquences que cela entraine. La situation réelle que nous décrivons dépasse tout entendement humain. Des personnes sans ressources avec des problèmes psychiatriques qui, d’après la nouvelle circulaire du Ministère continueront de se procurer leurs médicaments uniquement dans les hôpitaux publics – la nouvelle loi pérennise une exception pour les traitements neurologiques et psychiatriques qui ne pourront pas pas être obtenus en officine de ville(5) – se font trimballer d’hôpital en hôpital sous des prétextes tels que « le tampon sur l’ordonnance est celui d’un autre hôpital ». Le résultat est que ces personnes n’ont de choix que de s’adresser aux dispensaires sociaux. Ils arrivent vers nous dans des états d’angoisse et de désarroi.

Nous réclamons donc que les problèmes énumérés ci-dessus soient immédiatement pris en charge. C’est une condition pour que nous puissions accorder au Ministère de la Santé le droit de prétendre qu’il y a accès libre et gratuit pour les personnes non assurées au Système National de Santé (ΕΣΥ).

Les éléments que nous citons indiquent dans tous les cas que la planification politique actuellement à l’œuvre sn Grèce a pour objectif le transfert des coûts vers les patients et qu’elle prendrait davantage en compte les injonctions du mémorandum, que le respect des besoins et de la particularité de chaque patient.

Malheureusement les raisons d’existence des dispensaires sociaux n’ont pas encore disparu et nous sommes appelés à revoir notre stratégie pour ne pas se transformer en béquille d’un système qui, en étant en voie d’effondrement est à la recherche d’alibis. Nous continuerons de lutter pour un accès libre, gratuit et sans entraves des personnes non assurées au Système National de Santé,  en accompagnant le plus possible de patients vers les structures publiques de Santé, en surveillant les évolutions en matière de politique sanitaire et sociale, en réclamant la mise à niveau des services publics. En parallèle nous réduirons autant que possible l’offre médicale dans notre dispensaire, tout en renforçant en contrepartie l’offre de médicaments à la partie de la population qui ne peut pas en payer les frais. Tout cela sera mis en œuvre en tenant compte des critères de revenu, dans un cadre d’esprit humaniste, et en poursuivant la lutte pour le respect et l’élargissement des droits des patients.

Dans un pays qui traverse la 6e année d’austérité, dans lequel les inégalités sociales se creusent, aucun d’entre nous ne doit pas faire preuve de complaisance envers la réalité du système. La solidarité est l’arme la plus puissante dont nous disposons. C’est cette solidarité qui apportera le renversement tellement souhaité et nécessaire au pays.

DISPENSAIRE SOCIAL METROPOLITAIN D’ELLINIKO

HORAIRES DE FONCTIONNEMENT

JEUDI-VENDREDI 10 :00-20 :00, VENDREDI 10 :00-19 :00, SAMEDI 10 :00-14 :00

TELEPHONE : +30 210 9631950

ADRESSE: ancienne base américaine, près du Centre Culturel d’Elliniko, à 200m de la Police Routière

Site web :  http://www.mkiellinikou.org

e-mail : mkiellinikou@gmail.com

 

Notes du traducteur 

  1. PEDY, Réseau National de soins Primaires en Santé Publique, cadre institutionnel pour les soins primaires en Santé instauré par le gouvernement mémorandaire de Droite-PASOK et mis en application en mars 2014. Ce nouveau cadre a été instauré peu après la fermeture brutale par ce même gouvernement de l’ensemble des structures de soins géré auparavant par la Fondation des Assurances Sociales (IKA) qui était jadis à la fois assureur public national de la majorité des salariés et prestataire de services sanitaires, remplacé par EOPYY pour le volet gestion du sanitaire. Le but déclaré du gouvernement de l’époque était de déléguer une partie des soins primaires au privé, PEDY ayant la faculté de signer des contrats de sous-traitance avec le privé. Au cours de cette « réforme » néolibérale tous les contrats de travail des soignants des structures d’IKA ont été annulés et un appel d’offre a été lancé sur une base zéro pour encadrer les structures de PEDY. Toutefois des salariés d’IKA, notamment médecins se sont pourvus en justice et ont obtenu par voie de référé leur maintien en poste pour une durée limitée. D’autres médecins n’ont pas souhaité s’engager dans le nouveau PEDY. Pour ces deux raisons PEDY risque la désertification médicale, notamment pour certaines spécialités médicales, car la durée d’application du référé judiciaire arrivera bientôt à terme. Il est intéressant de noter que pendant les semaines entre la fermeture des structures d’IKA et l’ouverture de celles de PEDY les patients grecs se sont retrouvés dans l’ensemble du pays SANS AUCUNE POSSIBILITÉ DE SOINS PRIMAIRES PUBLICS. La loi-cadre instaurant le PEDY est toujours en vigueur sous le gouvernement Tsipras alors que SYRIZA avait dénoncé sa mise en place et demandé son abrogation à l’époque où il était dans l’opposition.
  2. Dans une publication du 31 juillet 2014, l’équipe du Dispensaire Social Métropolitain d’Elliniko relevait une série de failles calculées dans la loi du 28/06/2014 du gouvernement de Droite-PASOK relative à la prise en charge des frais pharmaceutiques des personnes non assurées. Le problème souligné était un parmi ceux qui persistent encore, à savoir les frais à charge du patient, excessivement élevés du fait que la prise en charge des médicaments par l’Etat était en fonction d’un prix théorique fixé par le Ministère, non en fonction du prix réel sur le marché.
  3. Les personnes dont les revenus ANNUELS dépassent les 2400 euros pour un célibataire, 3600 pour un couple, augmentés de 600 euros par enfant OU propriétaires d’un patrimoine dépassant les 150.000 euros ne peuvent bénéficier de la gratuité des médicaments. A noter que les critères de revenus et de patrimoine sont relatifs à l’année précédente alors que la situation matérielle des gens en Grèce se dégrade d’année en année.
  4. En Grèce AMKA est le numéro unique d’assuré social valable pour toute la vie et tous les régimes d’assurance. Bien qu’il soit obligatoire et que la procédure pour l’obtenir devrait être simple, il existe nombre de citoyens qui n’ont pas pu faire aboutir la démarche pour l’obtenir. La situation est encore plus compliquée pour les personnes étrangères sans documents administratifs.
  5. Les traitements psychiatriques pour les personnes sans ressources (régime assurantiel de la « Providence ») étaient délivrés par les officines des hôpitaux déjà avant la crise de 2009, souvent avec des problèmes lorsque le médicament prescrit manquait ou que les horaires de fonctionnement des pharmacies hospitalières compliquaient l’accès aux patients psychiatriques. La situation s’est beaucoup aggravée depuis la crise et le manque de médicaments dans les hôpitaux. Rajoutons comme facteur d’aggravation la manière hâtive avec laquelle les gouvernements grecs ont instauré (obéissant aux oukases de la Troïka) le « tout informatique » dans la prescription et la délivrance des médicaments produisant ainsi de nombreux ratages dans le fonctionnement du système, aux frais des patients.
  6. Cette dépêche du Dispensaire Social Métropolitain d’Elliniko (MKIE) expose de manière critique les retombées réelles de la loi du 21 février 2016, mise en application par l’ordonnance interministérielle du 4 avril 2016, du gouvernement d’Alexis Tsipras relatives à l’accès aux soins des personnes non assurées. Malgré des pas très positifs de très gros problèmes persistent, certains se sont même aggravés. Dans tous les cas nous sommes toujours très loin en Grèce d’un système de Santé « gratuit, universel, de qualité, également accessible à toutes et tous ». Nous sommes toujours dans le cadre d’un système qui s’efforce de « rentabiliser » et de « rationaliser » les soins, recommandations des « instances européennes » et orientation politique du gouvernement obligeant à cela. La nécessité d’un mouvement international de solidarité, à la fois concrète et politique, existe toujours. Une réflexion sur les orientations stratégiques de ce mouvement serait toutefois aujourd’hui nécessaire.

Laisser un commentaire